Téléperformance
J’ai construit ce mot par l’ajout du préfixe « télé » au mot « performance ». Les artistes qui téléperforment en émission envoient des indications à distance aux artistes qui téléperforment en réception, ailleurs, en réalisant des actions (paroles et gestes) devant un public (on peut aussi envisager une complexification de ce dispositif de différentes manières, par exemple avec des retours vidéos et son, un public qui assiste à l’émission des indications, voire une multiplication des lieux depuis desquels les artistes téléperforment en émission et/ou en réception, etc.). Il ne s’agit pas d’une performance extrême comme l’ont pratiqué des artistes comme Gina Pane, Chris Burden ou Marina Abramović. Cependant, dans l’expérience décrite ci-dessous, j’ai tenté d’accompagner la téléperformeuse en réception dans « l’accomplissement d’une action réelle, sans mimèsis« 1, ce qui est un exemple de définition générique de la performance. Autres caractéristiques en commun : pas de répétition préalable, moment unique, nécessité de prendre en compte et d’improviser par rapport aux spectateurs, découverte des mots et des gestes à chaque instant par la téléperformeuse en réception.
Fin avril 2020, j’ai effectué une téléperformance à Besançon via l’artiste Agathe Guignard que je guidais par téléphone pour dire un texte et faire des mouvements devant ses co-confinés. C’était, sous certains aspects, une forme de théâtre d’appartement audio-guidé. D’un point de vue narratif, cette téléperformance s’articulait autour d’une fiction futuriste : un rituel d’appel aux esprits aboutissant à la possession de la téléperformeuse par un certain Christopher. Cet artiste de 2063, habitué à performer par télépathie, se retrouvait pour la première fois catapulté dans le passé, via un corps inconnu. Imaginer un vocabulaire du futur et un rituel païeno-technologique, voilà ce qui m’a surtout mis en mouvement pour l’écriture de la trame et de bribes de textes (car les réactions des spectateurs, que j’entendais par le téléphone d’Agathe poussaient à l’improvisation). J’avais un retour audio mais rien au niveau vidéo. Au-delà du confinement, le développement de cette démarche pourrait permettre de créer des oeuvres pour lesquelles les artistes internationaux n’auraient pas de déplacements, tout en développant la coopération avec des artistes locaux.
1. Joseph, Danan, Entre théâtre et performance, Actes Sud-Papiers, Arles, 2013, 2016, p. 23.